Fetih Sultan Mehmet 1453 !

                                                       (Fetih : "Où j'irai à Istanbul, ou Istanbul ira à moi")

             Par ces froides journées d'hiver, j'ai réalisé une petite chose que je rêvais de faire depuis bien longtemps : me rendre au cinéma !!! Pour cette première fois, j'ai bien choisi mon film, j'ai tapé en plein sur la Turquie en allant voir 'Fetih 1453' ! Un film guerrier et historique qui raconte l'histoire de la prise de Constantinople par les ottomans et leur chef, le Sultan Mehmet le Conquérant !!! (Ce qui explique peut-être la salle archi comblée, 3 jours après la sortie du film et les 4 séances journalières !)

          Ce film qui a nécessité 3 ans de tournages, plus de 25 000 figurants, et plus de 12 millions de $ en fait le film le plus cher de l'histoire du cinéma turc, mais quand il s'agit de glorifier le mythe fondateur d'un Empire, on imagine sans trop de peine vers où le réalisateur a su se tourner pour obtenir certaines petites enveloppes bien remplies nécessaires à un film de tel calibre !!! En effet, certaines images sont vraiment à couper le souffle, et les prises de vues insolites en mettent vraiment plein les yeux ! (Mais, à la manière turque, c'est à dire qu'il ne savent pas doser et qu'à la fin, des scène qui auraient pu être incroyables vues séparément, à force de succéder et de s'accumuler deviennent banales, et font perdre au film beaucoup de son humanité...).

          Ce film est également très violent, avec une passion particulière  pour les plans rapprochés sur les membres coupés, le sang qui n'en finit pas de couler etc... les turques seraient-ils fidèles à la réputation de leur inclination pour la violence sanglante qui leur colle à la peau depuis le XVI° siècle ? En tout cas tout le monde était complètement stoïque face à une gorge déchiquetée par une lance en gros plans alors que je n'arrêtait pas de sursauter sur mon fauteil au point que mon ami a finit par arrêter de me demander  "Ca va ?", pour me dire : "Bon, qu'est-ce qu'il se passe cette fois ?" !!!

          Au niveau images, le film tient ses promesses, et pour le prix de la place  -chère pour la Turquie- (10 TL soit presque 4,5€), le spectateur en a pour son argent !!! Pour ce qui est du scénario, il respecte les codes simplifiés à l'extrême du genre, avec un manichéisme assez terrifiant, de sorte que, sans presque comprendre un traître mot de ce qui se passait, j'ai quand même tout compris (la musique pompeuse aidant un peu aussi, à faire la distinction entre les méchants et les gentils au cas où on l'oublierait ) !!!

           Les byzantins qui tenaient Constantinople sont vus comme des ivrognes (pas une scène où ils ne boivent, l'un des personnages principaux, juste avant de se faire éxecuter, ira même jusqu'à demander un petit délai aux gardes, le temps de finir son verre de vin !), gras et décadents, en permanence entourés de soubrettes (le petite tablier noir et blanc n'est vraiment pas loin !), se livrant aux préoccupations du sort de la ville dans le bras de leur harem ! (tandis que le sultan Fatih ne se voue corps et âmes qu'à son peuple, sa favorite et son fils !)

          Hormis ces écervelées grecques, on ne retrouve en tout et pour tout... que deux femmes dans le film ! L'épouse favorite du sultan (et encore on ne la voit que se maquiller, ou en petite tenue, et toujours avec son fils) et une femme guerrière, qui perdra l'amour de sa vie pendant la guerre, mais dont la dernière image sera la main posée sur son ventre, car elle attend un enfant !!! Pas de francs baisers même pour des adieux, par contre de passionnées étreintes, la scène la plus explicite du film étant quand les deux amants se réveillent dans le même lit (pour que l'on comprenne à la fin que la femme est enceinte ?)

             Enfin, les grecs qui enchaînent les victoires sur les ottomans durant un mois sont toujours filmés en train de se réjouir dans des orgies après chaque victoires, au point qu'on leur en voudrait presque d'être aussi allègre quand une armée de dizaines de milliers de guerriers endure chaque jour un siège exténuant sans parvenir à les déloger de leur imprenable citadelle ! Les points de vus sont tels qu'on à presque envie de dire à ces terribles bourreaux d'abréger les souffrances de leurs assiégeants en leur ouvrant leur porte et en se laissant massacrer une bonne fois pour toute !!!

           Au delà du modèle patriarcale largement mis en avant, la scène finale est absolument sublime aussi, dans le même genre !!!

          Après avoir enfin franchit la porte de Constantinople après un mois de siège difficile, le sultan pénètre dans la Basilique Ste-Sophie (qui n'a pas encore ses 4 minarets !) où se sont réfugiés, terrorisés, femmes, enfants et vieillards. Il leur tient alors un discours, où il leur explique qu'ils n'ont rien à craindre, qu'eux et lui sont pareils ! C'est alors que, Ô miracle, devant un homme si clément, l'église qui résonnait de pleurs retentit alors de rires et de sourires, qu'importent que le sultan ait massacré pères, fils, époux, il prend dans ses bras une petite fille qui se met à rire et à jouer avec sa barbichette ! Malgré l'humanisme reconnu du Sultan, homme éclairé, on aurait pu se passer d'une fin aussi ridicule et irréaliste, et qui plus est m'a valu de mauvais coups d'oeils de mes voisins lorsque je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire devant tant de naïveté !

           Autre fait intéressant, mais simplement relatif à la séance de cinéma cette fois, témoignage encore une fois de l'art de vivre à l'orientale du peuple turque ! : il y a eu une coupure de 10mn au milieu du film (pas plus mal car il durait 2h45), systématique, pour que chacun puisse se dégourdir les jambes, se fumer une petite cigarette, voir se racheter une boîte de popcorn !!! De plus, la place des spectateurs est inscrite sur le billet, et impossible d'en changer, on se croirait dans un avion !!!

          Après ces commentaires un peu rudes, on pourrait croire que j'ai détesté le film alors que pas du tout !!! En fait si l'on met entre parenthèses ma petite inclinaison française pour le regard critique, et le penchant pour les films un temps soit peu intellectuels, si l'on passe outre la propagande au service de la religion, et un goût du classement systématique gentil/méchant, on se retrouve devant un film correct, et on passe même un bon moment de divertissement aux côtés des incroyablement viriles guerriers ottomans aux corps body-buildés et huilés ! Malgré l'incorrigible ironie française, ce fut donc un film intéressant et vraiment spectaculaire à voir, qu fait regretter qu'il y ait si peu de films turcs, hormis ceux de Fatih Akin, qui soient diffusés en France ! 

                                      (Un film plein de testostérones pour les mâââles !)