Le mauvais oeil !
En France on n'a pas de pot, pas de chance, on s'est levé du pied gauche, on a croisé un chat noir/brisé un miroir et été maudit durant 1000 ans/on est passé sous une échelle etc... En Turquie, rien de tout ça, inutile de chercher bien loin, on s'est tout simplement attiré le mauvais oeil...
Là dernière fois moi et Doɠan avont mangé dans un vieux resto' bulgare pour prendre notre petit déjeuner, le patron était si vieux, et sa main tremblait si fort en nous servant qu'entre deux bouchée de kaymak au miel, j'ai dit qu'on avait de la chance de prendre un petit déj' aussi bon parce qu'on était peut-être les derniers cliens de ce vieil homme, sur ce Doɠan m'a regardé comme si j'avais convié le diable en personne à notre table, et m'a dit que j'avais attiré le mauvais oeil sur nous... Prise de remords, j'ai cependant vite oublié ces paroles d'égarées, pour m'en souvenir dernièrement, en repensant à la malchance de ce mois de février...
Et oui, on a tendance à souvent penser au colifichet bleu en verre qui envahissent les comptoirs des magasins stambouliotes, les nazar boncuk, comme de simples cadeaux touristitques, pratiques et peu onéreux, devant leur omniprésence, on en viendrait presque à oublier qu'ils sont là parce que les démons règnent partout, et qu'il vaut mieux les détourner de soi en se protégeant derrière ce talisman... Après un mois pas possible, je me demande si février ne se serait pas placé sous le signe du mauvais oeil ? Vent, froid, déménagement forcé, violence, séparation, trahisons, comptes bancaires qui sonnent l'alarme, un trou de cigarette dans un foulard précieux, une chemise blanche qui déteint en machine, des caissiers qui rendent mal la monnaie, deux boutons d'herpès pour le prix d'un, la fatigue, la nourriture turque qui passe de plus en plus mal, l'oignon pourri du marchand de légumes, une caution en suspens, un gâteau cramé, et un séjour à l'hôpital... (non, je vous rassure, tout ne me concerne pas, j'ai fait un amalgame de tout ce qui touchaient les gens autour de moi, autrement je ne serai plus là pour en parler !)
Oui, ce mois a vraiment été horrible et je devrais songer à investir dans un nazar boncuk tout compte fait et voir si tout cela s'arrange...
Heureusement qu'il y a ces petites attentions comme une salade, un dessert et un apéritif offerts au resto', une déambulation féerique dans le "Ciçek pasajı" (Passage des fleurs) sous la neige, où un serveur nous a offert un thé sublime dans un vieux restaurant...
Pour moi pas besoin de talisman, juste du printemps, un souhait facile quand les premiers bourgeons commencent à éclore...
En tout cas : "Geçmiʂ Olsun" ! (Phrase de circonstance après un malheur : "Que cela soit passé !)