Vacances de Bayram (Fête du Sacrifice) 6 - 11 novembre

Publié le par Pauline

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(Bord de mer de Samsun dans le quartier d'Atakum un jour de beau temps, exceptionnel !)

 

 

            Ca y est, enfin une semaine de vacances ! Je ne m'étais pas très organisée, alors j'ai ouvert mon guide de voyage, et choisie une destination jolie, au Nord de la Turquie, sur la côte de la Mer Noire. J'étais tellement fatiguée, qu'au moment d'acheter mes billets, je me suis trompée : j'ai pris des billets pour Samsun, au lieu de Safranbolu ! J'étais un peu désespérée, au moment de partir, car je me suis rendue compte de mon erreur la veille de mon départ, en effet, voilà ce que disait mon guide de Samsun « Ville laide en pleine expansion économique (…) Samsun ne sera pour vous qu'un gîte d'étape. Incendiée par les Génois au XV° S°, elle n'a conservé aucun monument d'intérêt. » J'ai compris pourquoi depuis une semaine, tout le monde me répétait « What's the hell are you going to do in Samsun » ?! Pour vous dire, la ville est tellement laide, que même la couch-surfeuse qui a accepté de m'héberger sur place a tenté de me décourager de venir. Mais le mal était fait... : c'était trop compliqué de changer mes billets au dernier moment....

            En effet, c'est Bayram, la fête du Sacrifice ! (Iyi Bayramlar ! Joyeuse Bayram !) et à cette période les bus sont surchargés (yolu !) et les transports très chers, car cette fête dure trois jours, durant lesquels tous les turques sont en congés et rentrent dans leur famille, en particulier les étudiants. C'est d'ailleurs pour cela que seule une française, Florence, a accepté de m'héberger durant cette période. (Bayram commémore le sacrifice d'Abraham, prêt à faire don de son fils Ismaël à Dieu, que ce dernier épargna au dernier moment en le remplaçant par un mouton).

            Je suis donc partie de 22h30 d'Istanbul avec une heure de retard. (Une femme, dans la salle d'attente : « C'est n'importe quoi ce retard, et c'est tout bonnement scandaleux de séparer des familles un soir de Bayram !"  et l'agent d'Ulusoy de répondre : -"Qu'est-ce que vous voulez, je ne suis pas chauffeur moi, c'est vous qui avez décidé d'habiter dans une ville pleine de trafic !»), pour me retrouver 9h et 600km plus tard à Samsun.CIMG0327

 

                Je dois m'arrêter sur le bus en Turquie. J'ai voyagé avec la compagnie Ulusoy, et, je crois que je n'ai jamais aussi bien voyagé de ma vie ! Grand bus, siège confortable, mini-télé individuelles, longues pauses toutes les 3/4h dans des relais Ulusoy, et un « steward» du bus, chargé de rendre le trajet confortable, qui ne cessait de nous servir des petits gâteaux, des jus de fruit, du thé, du café, et le matin on a même eut droit à un petit-déjeuner ! En plus il y avait une vieille dame près de moi qui ne cessait de me bourrer de chocolat et de mandarines ! Enfin, ce qui est pratique, c'est qu'une fois arrivées à la gare routière, les compagnies fournissent des navettes pour nous amener au plus près de chez nous, de sorte que je n'ai eu à marcher que 10mn avant d'arriver chez Florence, mon hôtesse ! Et au retour, j'étais la chouchou du steward, et il m'a servi toute la nuit des gâteaux en rab', deux fois plus de thé et de cafés qu'aux autres, mes voisines étaient trop jalouses... avant d'insister pour avoir mon numéro le lendemain matin hahaha ! Autre petite particularité : on ne peut acheter une place qu'à côté d'un personne du même sexe que soit ! Seule exceptions : les parents et leurs enfants, et les couples mariés ! 

               A mon arrivée, Samsun était telle que je me l'imaginais, avec une bonne surprise : pas de pluie, alors qu'apparemment ça n'arrête pas ici. (la seule différence, aussi stupide qu'elle soit, c'est que je m'attendais à trouver des magasins de téléphones Samsung de partout, bien qu'il n'y ait aucun rapport entre la marque et la ville, c'est juste une histoire de sonorité qui m'a perturbé).

               Florence, est une fille au style baba qui détonne dans cette ville aseptisée. Elle a un master de cinéma et là elle suis à distance une licence de philo, et avant d'arriver en Turquie elle est partie un an faire du woofing dans une petite exploitation laitière de chèvres en Allemagne, près de Iéna. Elle va passer un an ici en tant qu'assistante de langue, malheureusement la destination lui a été imposée, et elle ronge son frein ici : je crois que ça lui fait du bien d'avoir un peu de compagnie ! Elle est fan de son chien, Liban, au départ j'ai eu un peu du mal à m'habituer car elle disait toujours 'nous' : -"Quand on a voyagé cet été..." sous-entendu, elle... et Liban !

              On va faire un tour sur le littoral. On dirait la plage de 'Montok' dans "Eternal Sunshine...", mais en beaucoup plus laid. Un vent glacé souffle, je suis tellement emmitouflée dans ma veste et mon foulard qu'on dirait une momie. Les vagues sont énormes et on cherche des coquillages, mais on trouve pas grand chose d'intéressant, à part un vieux crâne rongé par la mer et un pied rose en plastique.CIMG0215Le soir, on sort se faire un petit restaurant, la ville est déserte, on dirait un western moderne. On dévore finalement une pide (sorte de pizza turque) à la viande hachée, la spécialité des côtes de la Mer noire. Dans le hall du restaurant ils ont exposés plein de petits agneaux en plastiques hypra kitchs pour rappeler que c'est Bayram.

            Curieusement, grâce au caractère mi super-sérieux, mi super excentrique de Florence, je me suis régalée à Samsun, qui l'eut cru ? Lecture dans le sable tandis que Liban tentait de nous ensevelir avec les trous qu'il creusait, séance de yoga sur la plage pour décoincer mon dos, expérimentation de yaourts turques avec plein d'épices et noix de cocos, figues au miel, cours de philo' empruntés à Florence, lahmacun à 2TL et salade à volonté, dégustation de sahlep home-made, bière dans le seul bar mixte de la côte, voisins étranges, et surtout, enfin des conversations de filles en bon vieux français plein de fautes ! (car entre mes deux colocs turques, la plupart de mes amis turques, essentiellement des hommes, mon petit-ami et son meilleur ami avec qui je sortais tout le temps, je commençais à saturer, car, oui, il faut le révéler les hommes turques ne sont pas toujours des cadeaux !)

 


                       PETITE ANECDOTE :

              Il paraît qu'il est très drôle de regarder les infos le soir ou le lendemain de Kurban (Bayramı). (Malheureusement, chez Florence qui avait emménagé depuis peu, il n'y avait ni télé ni Internet.) Pourquoi ? Eh bien, parce que ce soir là des tas de choses insolites se passent. A commencer par les hôpitaux, soudains envahis par des pas doués qui au lieu de couper le moutons s'arrachent le bras par inadvertance. Ensuite, il arrive fréquemment que ces pauvres petites bêtes (cela peut aller du simple mouton au taureau, selon le budget), n'aient aucune envie de se laisser étriper !  Chaque année, on retrouve donc certaines de ces bestioles semant la panique au milieu des rues, poursuivis par une cohorte d'amis agitant leurs couteaux de bouchers en courant, on imagine le spectacle ! Apparemment, la palme de cette année 2011 revient à un jeune taureau, qui est tout d'abord entré dans une petite épicerie, s'est docilement laisser conduire au dehors... avant de reprendre la fuite et de semer la pagaille dans un supermarché... !


 

              En fait, c'est assez drôle car au moment même où se déroulait Bayram, j'étais en train de lire pour mes examens de Litté Comparée un roman de Nedim Gürsel "Les Filles d'Allah", qui évoque l'enfance du jeune Nedim, et où il est question de Bayram, et je ne peux m'empêcher de vous en citer un morceau tant il est de contexte :

             "Ton grand-père achetait un mouton peint au henné et l'attachait dans la bergerie vide du jardin. Tu étais fou de joie La maison, qui ne possédait aucun animal en dehors des chats et des volailles du poulailler, était en liesse. Le mouton embellissait les murs de la bergerie, les mûriers, les peupliers, et je jardin s'animait. Même les fourmis sortaient de leurs nids en son honneur. (...) Son pelage était doux et teint au henné comme les mains de ta grand-mère. Il avait les yeux tendres et fière allure. Il faisait désormais parti de la maison, c'était un membre à part entière de la famille. (...) Et puis venait la fête du Bayram et, en dépit de tes pleurs, de tes cris et de tes supplications, on l'égorgeait au fond du jardin. Tu étais anéanti ! Son sang se répandait sur le sol et quand le boucher le dépouillait, tu avais l'impression que c'était toi que l'on écorchait et ton sang qui coulait. Tu haïssais la terre entière. Tout le monde était réuni à l'occasion de la fête, ton père, ta mère et tes tantes. Et même un oncle insignifiant qui ne venait qu'une fois par an. Leur présence ne suffisait pas à te consoler. C'est ton grand-père qui faisait le premier pas, il te caressait la tête et, en guise de consolation, il te racontait toujours la même histoire. Il disait que si un mouton n'était pas descendu du ciel, c'était toi que l'on aurait égorgé à sa place. Tu essuyais tes larmes, en proie au désespoir, et puis tu poussais un soupir, donnais raison à ton grand-père et remerciais Allah d'avoir envoyé ce mouton. Sans cela, c'est toi que l'on aurait égorgé, dont on aurait ouvert le crâne et dont les entrailles auraient servis à faire du boudin. Cela recommençait tous les ans (...) et quand la famille s'était servie, on distribuait le reste aux pauvres. Pour tout souvenir du mouton, il ne restait que sa peau, qui recouvrait le divan sur lequel tu t'étendais avec ta grand-mère pour regarder les étoiles par la fenêtre." 

Publié dans Tribulations

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